Le voyage en soi - chapitre 5
La joie
De son arbre, Aloki aime observer la nature. Étrangement, plus elle observe avec attention ce qui se passe autour d’elle et plus elle devient distraite. La jeune fille réfléchit à mille et une questions qui lui traversent l’esprit.
Lorsque ses yeux sont fatigués, Aloki retire ses épaisses lunettes. Elle constate alors que les sons semblent plus forts, son ouïe est plus sensible. On dirait que les sens que l’on n’utilise pas, permet de mieux se concentrer sur les autres. Elle comprend que les sens sont comme les instruments d’un orchestre. Quand certains instruments sont joués moins fort, ça nous permet de mieux entendre les autres. Si elle n’utilise pas le sens de la vue, Aloki entend mieux les sons !
Aloki a souvent des réflexions qui sortent de l’ordinaire. L’envie de partager ses idées ne manque pas mais, ce n’est pas si facile se faire comprendre. Présentement, elle se dit qu’il existe des formes artistiques pour chaque sens : la peinture pour la vue, la musique pour l’ouïe, la cuisine pour l’odorat et le goût. Et pour chaque forme d’art, il y a des éléments qui peuvent s’exprimer plus ou moins intensément dans la composition. De là on fait des accords, des harmonies, des solos, des contrastes, des dégradés, mais pour le toucher, elle ne trouve rien.
Du haut de son arbre, Aloki observe la route de terre au-delà du mur. En fait ce n’est pas tellement la route qui attire son attention, mais un jeune garçon d’environ son âge.
-Mais qu’est-ce qu’il fabrique ? se demande Aloki.
D’un pas rapide et en sifflant un air amusant, l’enfant ramasse divers matériaux de toute sorte qu’il empile dans un joli chariot rouge. À l’aide de ficelles, de vieux fils électriques et quelques vieux clous, il construit une rampe de lancement avec de vielles planches.
La rampe terminée, le garçon arrête de siffloter. L’air soudainement très sérieux, il enfile son vélo et se dirige en pédalant vers le sommet d’une butte. Tout en haut du monticule, le garçon observe intensément sa création… puis, en pédalant de nouveau de toutes ses forces, il s’engage sur la rampe à toute allure ! Le garçon prend son envol. Aloki ne peut retenir un cri admiratif :
-Wahoooooooo !
Par contre, l’atterrissage est un peu moi réussi et le jeune homme passe par-dessus le guidon de son vélo. Il atterrit le dos sur le sol. Il ne bouge plus ! Aloki s’affole un peu en se demandant s’il respire toujours.
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Heureusement, le garçon se relève enfin ! Il frotte le bas de son dos endolori, mais ricane un peu en se retournant et admirant sa rampe.
À la grande surprise d’Aloki, voilà l’étourdi qui remonte la petite butte avec son vélo pour s’élancer de nouveau !
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-Lui, il doit avoir un caillou à la place du cerveau, pense Aloki à voix haute.
Pendant sa remontée, le garçon regarde partout autour de lui à la recherche du cri qu’il a entendu durant son envol.
-Comment t’appelles-tu ? lui demande la voix inconnue.
Cette fois, le jeune aventurier remarque une jeune fille assise sur une branche en haut d’un arbre. Il agite le bras pour la saluer avant de répondre :
-Je m’appelle Ajay.
-Et moi, Aloki ! Tu ne t’es pas fait mal ?
-Non ça va !
Et voilà Ajay reparti pour une nouvelle descente spectaculaire !
Cette rencontre inopinée est le début d’une amitié. Ajay aussi a toute une imagination ; lui c’est le grand spécialiste des activités. Il a toujours un projet, il faut même parfois le retenir un peu. Aloki l’a surnommé l’intrépide parce qu’il n’a peur de rien. Si les heures passés en famille ou seule à observer la nature lui donnent beaucoup de bonheur, Aloki est heureuse d’avoir trouvé un enfant de son âge pour s’amuser. Quand elle joue, l’esprit d’Aloki s’apaise et Ajay est divertissant comme personne. D’habitude si quelqu’un se moque d’elle, Aloki se sent triste mais Ajay arrive à se moquer d’elle et à la faire rire en même temps.
Aloki partage avec Ajay ses réflexions sur les sens et les arts.
-Les sens sont stimulés par une ou plusieurs formes d’arts et les arts peuvent stimuler un ou plusieurs sens tu es d’accord ?
-Je crois que oui répond Ajay. Comme le théâtre qui stimule l’ouïe et la vision. La parfumerie qui stimule l’odorat ?
-Exactement ! Mais je n’ai pas trouvé une forme d’art qui sollicite le sens du toucher.
Ajay réfléchie un court instant et répond en riant. :
-Pour le sens du touché Aloki, il y a l’amour !
Ce qui a eu pour effet de les faire beaucoup rire.